CYCLES DE CONFÉRENCES (Archives 2021-2022)

La sociologie clinique face aux défis d’une société paradoxante

Objectifs

Après une première série de conférences sur « Introduction à la sociologie clinique » en 2020, nous ouvrons un nouveau cycle de conférences sur quelques mutations profondes actuelles dans les sociétés contemporaines et sur les apports de la sociologie clinique pour en comprendre les origines, les effets et les moyens d’en atténuer les effets les plus toxiques. À l’heure de la mondialisation les sociétés, les institutions, les entreprises et les grandes organisations deviennent paradoxantes. Ce diagnostic nous conduira à proposer des pistes pour penser et affronter les contradictions qui traversent les sociétés hypermodernes, restaurer du lien face aux déchirures sociales, reconstruire des espaces de symbolisation entre le réel et l’imaginaire, développer une clinique de l’historicité pour mieux saisir comment nous sommes agis par les conflits passé afin de s’en dégager pour construire un avenir différent et si possible plus bienveillant et convivial.

 

Quelles réponses la sociologie clinique peut-elle apporter à ces défis ?

 

Déroulement : Séance de deux heures : une heure d’exposé par les intervenants ; 20 minutes de discussions en petits groupes « aléatoires » de 6/7 personnes avec un retour : un commentaire et une question par groupe dans « converser » ; 40 minutes d’échanges et de discussions en grand groupe.

 

Horaires : Les jeudis de 17h30 à 19h30

 

Jeudi 27 janvier : Comment vivre dans une société paradoxante ?

Notre monde exacerbe les contradictions dans tous les registres de l’existence, personnelle, familiale, professionnelles, social, économique… Dans ce contexte l’individu contemporain est confronté à une multiplicité de dilemmes impossibles qui s’expriment comme des injonctions paradoxales. Ces tensions peuvent avoir des effets délétères sur la santé, les relations à soi et aux autres, les rapports sociaux.

Comment advenir comme sujet face à ces tensions multiples ? Comment assumer des choix dans la durée lorsqu’on est confronté à l’exigence d’immédiateté et à la culture de l’urgence ?, Comment échapper aux sirènes du narcissisme triomphant ?

GIR associés « Je dans un monde en crise » ; « Prendre, perdre, faire, construire, sa place dans un monde paradoxant »

Bibliographie : V. de Gaulejac, Fabienne Hanique, Le capitalisme paradoxant, un système qui rend fou, Points-Seuil, 2018.

V.de Gaulejac, Qui est « JE » ?, Seuil, 2009

Jeudi 10 février : Troubles dans le travail

Le travail dont on célébrait la valeur dans les sociétés dites « modernes » semble avoir perdu tout son (ses ?) sens. Il reste le moyen incontournable pour accéder à l’existence sociale tout en se délitant dans la révolution numérique, la robotique, l’ubérisation, les délocalisations, le télétravail, la financiarisation… Les frontières entre le temps de travail et le hors travail deviennent poreuses. La révolution managériale réduit le travail et les travailleurs à des « ressources humaines ».

Le mot travail est ubiquitaire.  Il nous aide à penser, sentir et agir. Cette catégorie de la pensée et de l’action est en outre lestée de valeurs et d’émotions.  

Mais que signifie ce mot aujourd’hui dans notre société ? Dans les usages sociaux et scientifiques, le « travail » a trois facettes bien différentes : l’activité, la production utile et l’emploi. L’approche clinique de l’activité rappelle l’enjeu de celle-ci pour la construction du sens et de la santé, là où la production et l’emploi charrient aussi des enjeux écologiques, matériels et existentiels majeurs. 

Si ces trois dimensions ont pu cohabiter un temps, les pratiques sociales actuelles tendent à les dissocier : nombres d’activités productives utiles sont réalisées bénévolement, hors emploi, au moment où des salarié.es s’interrogent sur l’utilité de leur production rémunérée. Alors que les travailleuses pauvres sont de plus en plus nombreuses, d’autres obtiennent des revenus sans rien faire. Les nouvelles pratiques productives qui utilisent le numérique et la biologie troublent pareillement ce que nous appelons « travail », questionnant alors les institutions éponymes, qui résument celui-ci à l’emploi.

Comment penser et affronter les troubles du travail ? Comment résister à l’hyperindividualisation ? Comment relever les défis du paradoxe ?

 

Invitée : Marie Anne Dujarier

 

GIR associé : « Le sujet face au travail »

 

Bibliographie : Marie Anne Dujarier, Troubles dans le travail, PUF, 2021 ; Vincent de Gaulejac, Travail les raisons de la colère, Points-Seuil, 2015.

 

Jeudi 3 mars : Les organisations à l’épreuve du capitalisme financier, de la révolution numérique et de la mondialisation

Les grandes organisations multinationales sont les moteurs de la mondialisation et du développement du capitalisme financier. Largement déterritorialisées, elles échappent au contrôle de la sphère politique et juridique. Leur puissance leur permet de parler d’égal à égal avec les États, même les plus puissants. La révolution numérique leur donne les outils nécessaires pour imposer leurs normes aux autres acteurs de la société, fournisseurs, clients, partenaires aussi bien dans le secteur privé que public. La recherche effrénée de rentabilité conduit à inverser le principe de la destruction créatrice conceptualisé par Schumpeter pour une création destructrice. La destruction des ressources de la planète, d’une partie de l’économie de production « réelle » et des travailleurs eux-mêmes ( cf les RPS , risques psychosociaux) sont des symptômes de cette destructivité. À travers l’action des grands cabinets de consultants (les big four) ces organisations imposent leurs logiques de fonctionnement aux autres organisations marchandes et non marchandes.

Comment comprendre ces logiques ? Comment atténuer leurs effets destructeurs ?

Comment recréer des espaces de réflexivité et de délibération dans les entreprises ?

 

Invité : Jean Philippe Bouilloud

 

Bibliographie : Max Pagès et alii, L’emprise de l’organisation, ULB, 2016 ; Vincent de Gaulejac et Fabienne Hanique, Le capitalisme paradoxant, Points-Seuil, 2018.

Jeudi 31 mars : Retisser du lien dans des sociétés fracturées

Nos sociétés du Nord comme du Sud sont confrontées à des fractures inquiétantes dans un contexte anxiogène. Les gestions conjuguées du réchauffement climatique, de la pandémie, de l’émergence de différentes formes d’autoritarisme révèlent une crise profonde du modèle démocratique. Tous ces phénomènes nous confrontent à la fragilité de la condition humaine et de nos systèmes politiques. Nos sociétés semblent divisées, cabossées par la violence, la haine, le radicalisme, le terrorisme, le complotisme, l’intégrisme et le manichéisme. La montée d’un sentiment d’insécurité est prétexte à des politiques répressives, centrées sur la surveillance généralisée, le contrôle des populations, l’abandon des libertés publiques jusqu’à donner à la police et l’armée de plus en plus de pouvoir pour maintenir l’ordre. En Europe, les attentats terroristes menés au nom du djihad islamique en sont l’illustration. D’autres alternatives sont-elles possibles ?

Une expérience franco-belge inédite, après les attentats de Paris (13 novembre 2015) et Bruxelles (22 Mars 2016) montre qu’il est possible de penser et d’agir autrement. À condition d’affronter le défi de la complexité, de la découverte de l’autre, de l’ouverture à l’altérité.

Invitée : Isabelle Seret

Prolongement : « Face à la honte », « Le sujet face au conflit »

Bibliographie : V. de Gaulejac, Isabelle Seret, Mon enfant se radicalise, Odile Jacob, 2018. Sophie Pirson et Fatima Ezzaarhoumi, Couvrez-les bien, il fait froid dehors, Cerisier, 2021

Jeudi 21 avril : Le théâtre d’intervention socioclinique au service de la citoyenneté et de la démocratie

Le théâtre est la vie. Il met en scène nos existences dans un espace de représentation, entre fiction et réalité. Il permet de jouer, entre vrai et faux semblants, avec les souffrances, les amours, les pouvoirs, les conflits, les espoirs, la vie et la mort… Entre tragédie et comédie, éros et thanatos, raison et passion, rire et larmes, le théâtre donne à voir et à entendre tous les registres de la vie humaine. Il met en scène nos existences dans un espace singulier qui permet de jouer avec la condition humaine. Le jeu est une création inventée par les hommes pour travestir les épreuves, les douleurs, les malheurs de la vie, les moments noirs de nos existences. Il transforme la réalité en représentations. Il joue avec les mots, les affects, les sentiments pour les rendre vivables là où ils nous mettent à mal.

Le théâtre est aussi être un vecteur de changement. Il donne à voir, mais aussi à agir. Depuis bien longtemps il s’est engagé en politique pour dénoncer toutes les facettes de la domination, toutes les formes de violences, toutes les formes d’emprise. Créé à partir des influences du sociodrame de Jacob-Lévi Moreno, du théâtre forum d’Augusto Boal, du psychodrame émotionnel de Max Pagès, le théâtre d’intervention socioclinique permet de mettre ses conflits, ses dilemmes, ses angoisses, ses joies et ses peines en scène pour mieux en comprendre les sources de son mal être afin d’inventer des chemins de dégagement individuels et collectifs.

Entre l’Art, la science, la politique et la clinique, le théâtre d’intervention est une voie royale pour affronter les défis, la complexité et les contradictions d’une société paradoxante.

 

Invité : René Badache

 

Prolongement : « Cycle de formation et de recherche sur le théâtre d’intervention socioclinique »

 

Bibliographie : René Badache et Vincent de Gaulejac, Mettre sa vie en jeux, le théâtre d’intervention socioclinique, ÉRÈS, 2021

Jeudi 12 mai : Le « soi-disant » dans une société narcissique

L’hyperindividualisme est une des caractéristiques des sociétés hypermodernes. Chaque individu est renvoyé à lui-même pour donner du sens à son existence, « se faire une place » et être reconnu. Mais à quel prix ? L’allégement des formes traditionnelles d’assujettissement confronte l’individu à un paradoxe : en même temps qu’il goûte à un sentiment de liberté radicale sur ses choix de vie, il vérifie sa fragilité du fait de la disparition des étayages jusqu’alors nécessaires pour assumer et réaliser ses « choix ». Le sujet est alors pris entre tenaille entre un désir d’autonomie qui lui permet d’affirmer sa liberté et revendiquer ses réussites, et une exigence d’affirmation de soi qui le conduit à exacerber son propre narcissisme au détriment de ses loyautés familiales, de ses solidarités de classe, de ses appartenances multiples.

Du côté du sujet psychique, cette dynamique génère un vécu clinique mélangé (bipolaire ?), dans lequel l’excitation et l’exaltation côtoient de l’anxiété profonde. Du côté du sujet social, cette dynamique traduit et entretient une transformation des liens sociaux et un affaiblissement des identités collectives et des appartenances de classes. On assiste alors à un « rétrécissement » du sujet social au profit d’un sujet narcissique à la fois triomphant et fragile.

Dans cette perspective, les invitations au « retour sur soi » et au « récit de soi » font flores. Après avoir été longtemps renvoyé à des impératifs de pudeur, le « je » s’impose dorénavant dans les récits, dans les ouvrages, et s’attache dorénavant à raconter comment il s’est construit, comment il s’est affranchi de ses assujettissements originaires pour s’affirmer comme être autonome, comment il a triomphé du poids de l’histoire pour construire son histoire de vie…

 

Invitées Danièle Linhart et Fabienne Hanique

 

GIR associé : « Les métiers de l’accompagnement par les histoires de vie« 

 

Bibliographie : Vincent de Gaulejac, Qui est « JE » ?, Seuil, 2009.

Danièle Linhart, L’insoutenable subordination des salariés, ÉRÈS, 2021

J.P. Bouilloud, Entre l’enclume et le marteau, les cadres pris au piège, Seuil, 2011.

Jeudi 2 juin : La clinique de l’historicité

On ne peut changer l’histoire. Ce qui est passé est passé. La seule chose que nous pouvons changer, c’est la façon dont le passé agit en soi. La clinique de l’historicité propose un accompagnement pour comprendre en quoi chaque individu est le produit d’une histoire dont il cherche à devenir le sujet. La clinique de l’historicité a pour objet de dénouer les nœuds socio-psychiques de son histoire. Un nœud socio-psychique est un ensemble d’affects, d’émotions, de souvenirs, de fantasmes, de mécanismes de défenses dans lequel les processus psychiques conscients et inconscients sont amalgamés à des situations sociales vécues porteuses de souffrance, de violence, d’humiliation, de maltraitance. L’idée de nœuds renvoie à l’impossibilité de dissocier les fantasmes de la réalité, l’interne et l’externe, le subjectif et l’objectif, la scène inconsciente et la scène sociale.

La démarche socioclinique propose des groupes d’implication et de recherche pour démêler les fils de ces nœuds

 

Invité : Christophe Niewiadomski

 

Prolongement : https://sociologie-clinique-formations.com, formations existentielles.

 

Bibliographie : Christophe Niewiadomski, Recherche bibliographique et clinique narrative, ÉRÈS, 2012 ; Vincent de Gaulejac, Dénouer les nœuds sociopsychiques, Odile Jacob, 2020

Animation

L’ensemble de la formation sera animé par :

Vincent de Gaulejac : Professeur émérite à l’Université Paris Diderot, président fondateur du RISC, il intervient régulièrement dans des organisations publiques et privées sur la résolution des conflits et l’accompagnement du changement.

(http://vincentdegaulejac.com)

Public

Intervenants, coach, consultants internes et externes, professionnels de la relation, acteurs impliqués dans l’éducation populaire et la recherche-action, chercheurs en sciences sociales, militants politiques, associatifs et syndicaux, travailleurs sociaux, éducateurs, animateurs socioculturels, salariés et cadres des institutions et des entreprises engagés dans des projets de changement.

Bibliographie

Vincent de Gaulejac

La Lutte des places, en collaboration avec Frédéric Blondel et I. Taboada Leonetti, Desclée de Brouwer, 1994, rééd.2014
La Sociologie clinique, enjeux théoriques et méthodologiques
La névrose de classe (Payot), L’histoire en héritage (Payot), La part de social en nous (ÉRÈS), Dénouer les nœuds sociopsychiques (Odile Jacob)
(avec F. Hanique et P. Roche, ouvrage collectif) Érès, 2007

La société malade de la gestion, Points – Seuil, 2009, rééd. 2014
Travail, les raisons de la colère, Points – Seuil, 2011, rééd. 2014
Manifeste pour sortir du mal être au travail, Desclée de Brouwer, 2012
Le capitalisme paradoxant, un système qui rend fou, avec Fabienne Hanique, Points – Seuil, 2015, rééd. 201

Contact

Si vous avez des questions sur le contenu de la formation, n’hésitez pas à contacter l’animateur, Vincent de Gaulejac à cette adresse v.gaulejac@wanadoo.fr et pour tout autre renseignement contacter le secrétariat à cette adresse contact@sociologie-clinique-formation.com